« La justice vient de me déclarer innocent dans le dossier Bettencourt ». C’est par cette phrase que Nicolas Sarkozy a commenté, sur sa page Facebook, la décision du parquet de Bordeaux d’accorder un non-lieu à l’ancien président de la République, dans le cadre du financement occulte de sa campagne présidentielle de 2007. En effet, les juges Gentil et Noël ont considéré, malgré de très forts soupçons, qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments à charge et de preuves pour traduire l’ancien ministre de l’Intérieur en justice. Sarkozy obtient donc un non-lieu, ce qui semble tout à fait logique, pour qui connait le droit. Ce qui n’est pas le cas des autres protagonistes de l’affaire Bettencourt et en particulier d’Eric Woerth qui reste mis en examen.
Les réactions n’ont pas tardé à arriver du côté du camp sarkozyste qui, bien évidemment, se félicite de cette décision de justice, ce qui est plutôt cocasse après s’être montrée très menaçante envers le juge Gentil lorsque ce dernier avait mis en examen l’ancien chef de l’Etat. Brice Hortefeux s’est, à ce titre, empressé d’insister sur la sérénité de Nicolas Sarkozy, un homme attentif aux préoccupations des Français (sic), histoire de rappeler qu’il reste encore l’homme providentiel, celui que tous nos compatriotes attendent pour enfin bouter Hollande de l’Elysée. Même son de cloche pour Michel Havard, ex-député UMP du Rhône et candidat à la mairie de Lyon en 2014 qui, sur son compte Twitter, considère que les Français sont réjouis par la décision du tribunal de Bordeaux, alors qu’ils affichent en réalité une indifférence plus que polie.
En déclarant que la justice l’a innocenté, Sarkozy cherche habilement à dramatiser la situation et donc à jouer les victimes. Il est la victime d’une machinerie, d’un complot contre sa personne, un stratagème conçu de toutes pièces par ses adversaires avec la complicité d’un juge pour mieux empêcher son retour en politique. « Innocenté », l’ex-agité de l’Elysée voit son honneur lavé, et peut paraître comme un homme neuf pouvant s’adresser et rassurer les Français (surtout ses supporters, en réalité)
Or, la vérité est bien plus complexe car si le tribunal a bien épargné Nicolas Sarkozy, il ne l’a pas déclaré innocent pour autant, d’une part parce que l’ex-chef de l’Etat était déjà présumé innocent et que d’autre part, il n’y avait pas assez d’éléments pour justifier sa mise en examen sur le long terme. En clair, la justice n’a fait que son travail et rappelle dans le même temps qu’elle applique les mêmes règles pour tous, ce que la droite semble oublier lorsqu’on s’attaque de trop près à son champion !
Autrement dit, la décision des juges de Bordeaux montre qu’au bout du compte, notre machine judiciaire sait faire encore preuve de discernement et ne fait qu’appliquer le droit tel quel dans le code pénal. Nicolas Sarkozy le sait mais dans son envie de retour, il compte bien transformer cette décision en une victoire politique, d’où ces propos sur le réseau social histoire d’exciter un peu plus ses supporters. La démarche est louable mais les aficionados de l’ex-chef de l’Etat auraient bien tort de se réjouir très vite.
Car si l’ex-agité de l’Elysée a obtenu un non-lieu, ce n’est pas le cas de Patrice de Maistre ou bien encore (et surtout) d’Eric Woerth (alors trésorier de l’UMP et de Nicolas Sarkozy en 2007) qui pour le coup, risque très gros. L’ancien ministre du Budget et actuel député maire de Chantilly a suffisamment protégé Nicolas Sarkozy jusqu’ici, mais la décision des juges bordelais pourrait l’inciter à être davantage prolixe face à ces derniers surtout s’il venait à être condamné, histoire de ne pas porter le chapeau. Sans compter qu’il existe de sérieux précédents à droite notamment Alain Juppé qui était le « numéro 2 d’un système qu’il ne contrôlait pas », celui des emplois fictifs de la mairie de Paris, je vous laisse deviner qui était le numéro 1…
Dès lors, bien que bénéficiant d’un non-lieu, Nicolas Sarkozy devrait finalement faire profil bas dans la mesure où tout va dépendre de l’attitude que va adopter Eric Woerth mais également certains de ses fidèles tout aussi inquiétés dans d’autres affaires qui touchent de près comme de loin l’ex-chef de l’Etat tel Takkiedine ou bien encore l’implication (supposée) de Kadhafi dans la campagne présidentielle de 2007. Le moment idéal pour Sarkozy pour savoir si ses fidèles le seront encore jusqu’au bout !